Le site internet doit-il être utile pour l’usager ou pour le politique ?
Construits sur l’information rédactionnelle, les sites internet de collectivité ont progressivement changé pour répondre aux véritables attentes de leurs utilisateurs et devenir des supports de renseignement et de services en ligne. Où en êtes-vous dans la galerie de l’évolution ?
Ca donne à constater l’échec du site orienté actualités
Ils rigolaient bien mes collègues à l’époque. Jeune dircom, j’avais été invité au congrès de l’innovation publique INOP à Nantes en 2009 pour témoigner de ma vision du rôle du dircom face à l’évolution d’internet pour les collectivités locales...
Les sites alors, celui de ma collectivité comme les autres, étaient, en héritiers lointains du journal municipal, des sites informatifs sous plusieurs formes : textes actualisés, photos, vidéo, newsletters, SMS.
Côté participation, nous n’avions pas voulu alors nous donner « la bonne conscience du forum et du débat participatif en ligne, pensant que c’était lié à une forte culture de l’élu dans le domaine, et surtout face au risque de tourner rapidement en club restreint. »
Force est de constater, en 2017, que la quasi-totalité des sites qui ont ouvert aux commentaires (Rennes mis à part peut-être) ont constaté l’échec de la proposition et ont fait marche arrière.
Surtout, je faisais remarquer que, « si on élargit son horizon de réflexion par rapport à l’outil internet, l’attente première de l’internaute, c’est du pratique. Il veut des services en ligne.
L’avenir est à regarder du côté du privé : il faut passer du site promotion au site de vente.
Même si la vente n’est pas l’objectif en soi des collectivités territoriales, le site internet va être le pivot d’une relation avec le citoyen « client ».
« Le dircom sera appelé à évaluer les besoins du citoyen-client et déployer des solutions en ligne pour y répondre : réserver ses livres à la bibliothèque, payer la cantine, commander des billets de la saison culturelle, s’inscrire pour une activité, pré-réserver une salle…
Cela lui sera d’autant plus facile que les collectivités ont l’avantage d’avoir une crédibilité supérieure, un capital de confiance plus important qu’un site marchand. Mais il lui faudra régler en amont un rapport difficile à l’argent…
Alors, l’informatif deviendra le passager clandestin du service en ligne. »
On m’avait écouté poliment. Les collègues m’avaient glissé à l’issue, pour les plus audacieux, que ce n’était pas la direction qu’ils prenaient, qu’ils avaient comme commande de doper le contenu, de renforcer la prise de parole politique et qu’ils embauchaient des webjournalistes...
Ca donne à répondre à la recherche aveugle d’informations et services pratiques
8 ans plus tard, l’évolution d’internet a conforté cette orientation vers le site-services appelée aujourd’hui « user centric » et Marc Fuma, consultant, ne disait pas autre chose le 7 juin à Angers lors de son intervention pour le CNFPT sur le panorama de l’actualité des sites internet des collectivités.
Le site internet est devenu le sanctuaire de l’information-renseignement et le réceptacle des services en ligne, premières briques de la gestion de la relation usager ou citoyen (GRU/GRC).
La relation conversationnelle, le contenu rédactionnel sont renvoyés sur facebook directement qui renvoie l’ascenseur éventuellement par des liens vers une page du site. Pour ceux qui sont prêts à lire un peu plus que 140 caractères...
Pourquoi ? Parce que 80 % des internautes viennent sur le site de la collectivité pour chercher un renseignement, une donnée pratique, mener une démarche.
Seuls 10 % vont fréquenter le site pour aller chercher des contenus rédactionnels politiques ou citoyens.
Les 10 % restant sont les internautes qui vont avoir un usage régulier du site, revenant régulièrement pour lire un contenu, consulter les actualités, l’agenda. Ces 10 %, on a voulu les faire grandir, les emmener vers le 100 %… sans succès.
On a beau faire les contenus de texte et d’images les plus attractifs possible pour détourner cette taupe informationnelle (tout en restant dans le décent, il s’entend), l’internaute ne veut rien voir, rien regarder. Selon l’expression de Martin Fuma, « ventre affamé n’a pas d’oreilles » : l’internaute vient sur le site de la collectivité parce qu’il recherche une information précise. Tant qu’il n’a pas trouvé ce renseignement, il ne regarde rien d’autre, engagé dans un tunnel.
Quand il a trouvé le fruit de sa quête, il est alors ouvert à des éléments périphériques.
Conclusion : il ne sert à rien de charger la page d’accueil avec des contenus rédactionnels, que je nommais en 2009 « contenus clandestins ». Il vaut mieux les faire apparaître près du résultat de la recherche, dans des propositions de contenus ou de liens alternatifs.
Cela amène donc à réaliser des sites avec une arborescence simplifiée, répondant aux trois attentes majeures des internautes :
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Vie quotidienne / services/ démarches… ou autre appellation à votre guise
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vie municipale / institution / votre collectivité, votre territoire…
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et actualités, agendas, événements…
L’actualité peut être conservée mais reléguée ensuite, pour faire plaisir aux élus et aux services en premier lieu.
D’autres font le choix plus radical encore de supprimer cette mini arborescence pour conserver seulement un moteur de recherche. Sauf que Google business gratuit pour les collectivités va être arrêté en 2018 nous prévient Martin Fuma. Oups…
Pourquoi ne pas conserver l’arborescence en 3 pôles avec un moteur de recherche ?
Exit au passage les entrées par profil d’internaute (jaune, senior, famille….) qui n’ont jamais trouvé leur public… pour la même raison de tunnel de recherche qui ne laisse pas l’internaute se détourner de sa quête et se poser la question de qui il est. Il cherche un truc on vous a dit !
Ca donne à revoir les missions du DirCom
Il y a 8 ans, à INOP, je concluais mon intervention en imaginant que la mission du dircom allait être appelée à changer consécutivement à celle des sites internet de collectivité.
J’entrevoyais une évolution à petits pas du dirCom vers le dirCom et Marketing :
« Il faudra que cette évolution génère des gains de productivité pour dégager du personnel, car les élus auront toujours des réticences à augmenter le personnel de communication. Ou le personnel en question sera recruté dans les rangs de l’informatique, mais au détriment de l’approche marketing pour privilégier une approche informatique.
Cela passera par une organisation posant clairement le dirCom en chef de projet et le DSI en prestataire conseil. »
Depuis lors, les dircoms ont-ils fait leur mue ? Ont-ils endossé ce rôle de paramètreurs de services ?