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Web 4.0 : Terminator, ça ne fait que commencer !

Écrit par Yann-Yves Biffe.

Personne ne vous a encore souhaité une bonne année 2020 ? Ca paraît un peu loin, et pourtant, on commence à voir à quoi pourrait ressembler une société où internet et le numérique se développent à un rythme prodigieux. Des capteurs communiquant entre eux partout préfigureront l'avènement d'agents à intelligence artificielle... Consacrerons-nous alors 100 % de notre temps aux loisirs ou sombrerons-nous dans l'inutilité ? Bienvenue dans le web des objets...

J'ai abordé récemment la question du web 3.0, le web sémantique, qui permet de croiser des milliards de données et d'en retirer des enseignements très utiles. L'étude « La dynamique d'internet. Prospective 2030 » réalisée pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (service du Premier ministre) et présentée à l'association Communication publique à l'automne dernier, va plus loin et ouvre des perspectives intéressantes sur l'étape d'après.

Comme nous avons pu le voir, si le temps d'internet communément désigné sous le nom de « big data » a déjà commencé, il va s'accélérer de plus en plus, en se fondant dans un web 4.0, dit internet des objets. Mais qu'est-ce qui nous attend ?

Ca donne à confier internet aux machines

Aujourd'hui, 75 % des données sont produites par des êtres humains. La proportion va progressivement s'inverser. 30, 50, 80 milliards d'objets seront connectés en 2020 respectivement selon IDC, Ericsson ou l'IDATE qui se sont lancés dans les prévisions. Ceci posé, vous comprenez rapidement que le web 4.0 ne va pas supplanter le web 3.0. Au contraire, il va le bonifier en l'alimentant en un flux d'informations évidemment décuplé : si une personne avec une carte sim produit des milliers de données, imaginez 1 personne qui a 10, voire 100 objets qui ont chacun une carte sim... A quoi cela va-t-il servir ? En fait, toute notre vie quotidienne devrait être progressivement « augmentée » de ces dispositifs communiquants. Par exemple, pendant que vous dormirez, votre smartphone (ou un autre terminal, mais celui-là tient la corde pour l'heure) sera prévenu que le train que vous deviez aller prendre aura du retard, et qu'il y a un embouteillage pour aller à la gare. Il aura reçu une indication de votre voiture dont le réservoir est presque à vide. En fonction de ces indications, il avancera proportionnellement l'heure de sonnerie de votre réveil, et simultanément lancera la cafetière pour que vous ayez un café chaud à disposition au saut du lit.

C'est encore de la science-fiction. Par contre, dès aujourd'hui, en Vendée, les vaches du GAEC La Charrie portent sur leur collier un instrument qui mesure la nervosité de l'animal pour détecter la période des chaleurs afin de prévoir l'insémination au moment optimal. Leur vagin est ensuite doté d'une sonde mesurant la température pour annoncer le vêlage imminent par SMS à l'agriculteur !

Au-delà d'un certain nombre d'objets plus ou moins gadgets qui fleurissent déjà, le champ de la santé va être particulièrement impacté. Cela n'a l'air de rien, mais le petit SMS envoyé quotidiennement par le pilulier connecté de Grand-Mamie peut rassurer pas mal de ses descendants... sauf s'ils lorgnent sur l'héritage. Les nouvelles applications permettront encore au médecin de récupérer les données des patients (poids, tension) sur plusieurs mois, ce qui facilitera le diagnostic ou la prévention.

La domotique sera aussi un terrain de déploiement majeur pour l'internet des objets, en gérant de façon autonome la maintenance des bâtiments, et en optimisant la régulation des flux l'approvisionnant (smart grids).

Ca donne à voir les robots débarquer bientôt

Après ce temps 4.0 pendant lequel vont fleurir les capteurs partout, viendra celui du 4.1 où les objets vont se transformer en sujets. Le web sémantique va progresser et les ordinateurs vont pouvoir analyser des textes, mais aussi des images et des vidéos, allant jusqu'à interpréter les expressions des visages. - Pour info, la console X Box One couplée avec le capteur Kinect peut déjà reconnaître qui rentre dans la pièce et lancer sa session personnalisée. - Avec leur puissance de calcul, ils vont pouvoir réagir en fonction des données analysées, et adapter les actions à lancer en conséquence. N'est pas la définition d'un robot ? C'est en tout cas celle de la Google car. Ca fait un peu gadget, mais la performance technique est édifiante : 20 fois par seconde, la voiture analyse les informations recueillies sur son environnement, et adapte la conduite en fonction. A partir de là, modifiez la forme de la voiture, mettez lui deux bras et deux roues, vous avez un robot tel que vous l'imaginiez !

Selon l'étude "La dynamique d'internet Prospective 2030", « Les nouvelles technologies dans les domaines de la robotique et des agents virtuels sont en plein essor et ont le potentiel, à terme, de modifier la distribution des rôles sociaux entre l’humain et la machine. Dotés de capacité de raisonner, d’adapter leur comportement selon la relation sociale qui va être établie, se dirige-t-on vers la création de nouveaux individus ? Pour les ACA (Agents Conversationnels Autonomes), le modèle actuel est l’agent serviable. L’une des tendances est de se rapprocher d’une figure anthropomorphique , avec l’idée de mimer une relation sociale dans ses aspects positifs et négatifs (mauvaise humeur, conflit, critique) et en les dotant de plus de sens (toucher, odorat). L’agent ou robot va pouvoir devenir plus autonome et aura peut-être la capacité d’établir des relations socio-affectives avec des humains. Actuellement cantonné à un rôle servile, d’assistanat, l’agent pourra apprendre et s’autonomiser. Les domaines de l’éducation, du travail, de la santé et la société tout entière seront concernés dans des champs d’application très vastes. » Forcément, se posent en filigrane d'importantes questions éthiques. La principale est rien moins que l'avenir de l'homme ! Pour la petite histoire, le mot robot vient du tchèque « robota », signifiant « travaille comme un esclave ». Il fut utilisé pour la 1ère fois par l'écrivain Karel Capek en 1922 dans une pièce de théâtre qui se termine par la rébellion des êtres artificiels et leur prise de possession du monde...


Ca donne à ouvrir des perspectives bouleversantes pour les collectivités

Alors tout ça, c'est bon pour votre culture générale mais en quoi la vie de la collectivité publique peut-elle être concernée ? Les réalisations sont encore dans le domaine de l'imagination, ou au mieux de projets, mais un tel bouleversement technologique va forcément révolutionner les façons de vivre.Les collectivités auront recours à l'analyse des données pour réguler le trafic automobile, les flux de déchets, d'énergie, de population, les services à la personne. Singapour, Barcelone ou Nice préfigurent déjà ces « smart cities » où le stationnement automobile ou l'éclairage public sont gérés par des capteurs connectés. Imaginez par exemple une cantine scolaire : chaque enfant entrera avec son cartable contenant une puce NFC (je n'ai pas dit sous la peau, mais la question se posera nécessairement...), qui signalera son passage, enverra un SMS pour en informer les parents, et simultanément débitera leur compte pour créditer celui de la Ville...

Quant aux robots, ils soulèvent des craintes mais aussi évidemment beaucoup d'attentes notamment pour la gestion de la dépendance physique et mentale, dont la prise en charge est une problématique d'avenir majeure pour les sociétés occidentales. Ce type d'outil des plus sophistiqués pourrait également apporter des services publics dans des zones où la présence humaine n'est pas rentable... ou trop dangereuse ? Au-delà de cela, un grand nombre de tâches à faible valeur ajoutée pourront être déléguées à des agents artificiels, et notamment l'entretien, la maintenance, le nettoyage...

En arrivera-t-on in fine à leur confier également la relation avec l'administré ?.. A nous, hommes et femmes, de développer aujourd'hui et demain au quotidien imagination, compréhension, convivialité et inventivité, pour prouver que non !